Avec un tel outil, il n’est plus possible d’affirmer qu’on ne comprend rien à l’Europe !
Présentation du livre de Florence Chaltiel, Le processus européen de décision après le traité de Lisbonne, Paris, La documentation française, 2010, 2e édition, 215 p.
L’OUVRAGE… est à conseiller tant aux étudiants en droit de l’Union européenne et en Sciences Politiques, qu’aux journalistes, élus locaux, lobbyistes nationaux, responsables de fédérations ou d’associations et, finalement à tous ceux qui s’intéressent pour des raisons personnelles ou professionnelles aux mécanismes de la construction européenne. Il les aidera à saisir l’originalité du projet européen, son système décisionnel parfois perçu comme hermétique alors qu’il s’apprivoise finalement fort bien pour peu qu’on aide à le décrypter ce qui est un objectif parfaitement réussi de l’auteur.
En tant que professeur de droit de l’UE, chaire Jean Monnet et comme praticienne (expert à Bruxelles) j’ai longtemps hésité à conseiller un ouvrage spécifique et indiquait plusieurs références n’ayant jamais trouvé ce mélange vertueux et efficace que Florence Chaltiel a réussi dans celui-ci : la précision requise pour saisir dans le détail les mécanismes, l’analyse pour prendre du recul et s’approprier les enjeux.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : comprendre les enjeux de pouvoir entre les États et l’Union européenne et les équilibres qui interviennent entre les différentes institutions, enjeux complexes et multidimensionnels. Les comprendre pour être en mesure, puisque le système le permet, d’agir et interagir sur celui-ci et de faire valoir ses intérêts.
Magistral exercice que celui de l’auteur : planter le décor et les acteurs puis donner les clés, les règles du jeu en termes d’analyse de pouvoir.
Dans la 1ère partie, le décor c’est « Bruxelles » comme on dit dans le jargon. Cette entité désincarnée, ces institutions supranationales qui au gré des Traités négociés et ratifiés par les États membres, au gré des adhésions se voient transférer de plus en plus de compétences, sans cependant qu’on puisse parler de fédération, parce que l’échelle de décision et de pouvoir Europe est nécessaire et que les États appliquant la subsidiarité et la proportionnalité savent que le transfert de compétences souveraines est requis dans un monde en compétition acérée.
L’auteur expose les acteurs, les premiers rôles d’abord : Conseils (conseil de l’UE et Conseil Européen), Commission, Parlement européen mais également les seconds rôles qui jouent dans la pièce des partitions importantes : les fonctionnaires, les Agences, le Comité Économique et Social Européen et le Comité des Régions ou le Médiateur rattaché au Parlement européen… Et également la Représentation Permanente, du moins la nôtre qui reçoit ses instructions du SGAE auprès du 1er ministre pour porter la voix des intérêts de l’État français…Et nos collectivités territoriales qui sans avoir l’autonomie des Lander allemands sont bien présentes.
Dans la seconde partie, à l’aide de schémas et de précieux tableaux récapitulatifs, l’auteur dévoile les jeux de pouvoir qui se déroulent au travers des mécanismes de décision. Elle détaille l’élaboration d’un texte (directive, règlement…), de la proposition à son adoption selon les différentes procédures, mais elle évoque aussi ce qui se passe en amont.
C’est, en effet, un élément caractéristique du système européen que le stade des consultations et des avis. Il permet l’exercice de l’influence de la société civile au travers du lobbying. Un lobbying transparent, régulé et argumenté des groupes de pression, encouragé par les institutions qui recherchent les informations de terrain auprès des experts et agents économiques et sociaux.
Quant au stade essentiel de l’adoption de la décision, une large place est faite à la procédure législative normale (anciennement co-législation) et à l’analyse du système des amendements au gré des différents lectures quoi permet progressivement l’élaboration d’un texte consensuel (parfois trop ?). L ’ouvrage aborde également en détails l’ensemble des procédures spécifiques susceptibles d’intervenir : la procédure budgétaire qui doit permettre d’éviter l’affrontement sur les ressources et leur utilisation entre États Membres et Parlement et garantir une répartition d’intérêt général, la coopération renforcée qui permet à un groupe d’États d’aller plus loin dans un domaine dans un exercice à géométrie variable mais sous contrôle communautaire mais aussi la coordination économique,les instruments particuliers de la CPJP ou de la PESC, le pouvoir spécifique de la Commission européenne en droit de la concurrence, et …finalement les adhésions et les révisions des Traités.
Comment appliquer une directive une fois celle-ci adoptée ? Dans le chapitre III, Florence Chaltiel aborde la question de l’Exécution, notamment des nombreux comités composés d’experts nationaux qui interviennent selon des modalités différentes et encadrent l’autonomie de la Commission à qui le conseil délègue l’exécution des textes et des politiques. Elle insiste sur le devoir de coopération des États (art 4-3TUE), postulat de base de la construction européenne parce que celle-ci correspond à un projet particulier qui concerne directement les citoyens et crée du droit à son égard. Les États doivent ainsi appliquer de bonne foi les règles européennes et transcrire en temps et heure les textes, sous peine de devoir rendre des comptes aux institutions européenne (manquement) mais également de se voir mis en cause face aux juridictions nationales - recours préjudiciel).
Un glossaire complète utilement le livre en définissant les termes essentiels utilisés en droit de l’UE. Un tableau comparatif permet de mémoriser la nouvelle numérotation des articles du Traité de Lisbonne.
Enfin, des liens utiles sur les sites web sont indiqués, afin de permettre a celui qui muni des bases grâce à l’ouvrage a envie d’aller plus loin et de s’approprier les informations quotidiennes, riches et denses de la construction européenne.
Le lecteur désormais avisé peut alors se lancer, repérer le domaine d’action qui l’intéresse plus particulièrement et assurer une veille. De même comprendra-t-il mieux les informations européennes relatées par les médias et sera-t-il désormais en mesure de les corriger si nécessaire.
Avec un tel outil, il n’est plus possible d’affirmer qu’on ne comprend rien à l’Europe.
Copyright septembre 2010-Beaufort/Diploweb.com
Plus : Florence Chaltiel, Le processus européen de décision après le traité de Lisbonne, Paris, La documentation française, 2010, 2e édition, 215 p.
Se procurer l’ouvrage sur le site de La Documentation française Voir
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